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Création du chatbot Weerwi sur la santé menstruelle au Sénégal

Nous parlons avec Zaynab DIALLO, qui a travaillé dans le cadre du consortium Changeons les Règles pour réaliser le chatbot de Weerwi. Zaynab est ancienne étudiante du Dakar Institute of Technology (DIT), et doctorante en statistiques à Ohio State University, USA.

Avant de parler du chatbot de Weerwi, pouvez-vous nous dire ce qu’est un chatbot ?

Chatbot, c’est un mot que l’on entend de plus en plus souvent et qui entre dans notre quotidien. Il s’agit d’une application logicielle (bot) utilisée pour mener une conversation en ligne (chat) via un texte ou une synthèse vocale, pour compléter ou remplacer un contact avec un agent humain en direct.

Vous avez peut-être déjà eu affaire à un chatbot lorsque vous aviez besoin de renseignements sur un site web ou lorsque vous cherchiez à contacter une entreprise via une application de messagerie comme Whatsapp ou Messenger. Les chatbots font partie d’une grande famille appelée agents conversationnels qui sont des programmes informatiques capables de converser en temps réel avec un utilisateur en langage naturel par écrit ou par oral. Le but est de rendre la conversation aussi naturelle que possible pour qu’on ne puisse pas le distinguer d’une personne réelle. Ils peuvent être utilisés sur un site internet, sur une application de messagerie ou par téléphone.

Ces discussions par logiciels chatbots interposés peuvent permettre à un utilisateur de rapidement trouver une solution à sa requête. Si toutefois le chatbot n’arrive pas à répondre à la question, il redirige souvent l’utilisateur vers des personnes réelles.

Il existe plusieurs types de chatbots, que l’on utilise en fonction du besoin. Il y a ceux, plutôt simples, qui fonctionnent sur la base de règles préétablies lors de leur développement. Ils ont des réponses préenregistrées et guident l’utilisateur à travers un menu/liste de choix pour arriver à la réponse souhaitée. Et ceux qui utilisent des techniques d’Intelligence Artificielle, qui peuvent devenir très complexes. Ils apprennent des conversations existantes pour comprendre le contexte et l’intention de l’utilisateur, ce qui leur permet de gérer de nouvelles situations en dehors de leur programme.

Pour les entreprises ou les organisations, mettre à disposition de leurs clients ou utilisateurs un chatbot peut ajouter de la valeur à leur service. Par exemple, pour prendre en charge les réponses à certaines questions récurrentes, faciles à gérer par un chatbot.

Dans le cas de Weerwi, un chatbot intégré dans son application, sur son site web et sa page facebook permet de donner, 24h/24 et 7j/7, des orientations de premier niveau avant l’intervention d’un professionnel quand c’est nécessaire.

Pourquoi avoir réalisé un chatbot pour la santé menstruelle ? 

Nous étions très enthousiastes à l’idée de réaliser un chatbot pour Weerwi car les menstruations, c’est un sujet qui touche les femmes dans leur immense majorité. Cependant, au Sénégal, comme dans de nombreux pays, parler des règles est encore considéré comme tabou. Beaucoup de jeunes filles, lorsqu’elles ont leurs premières règles, n’ont pas accès à une information suffisante. Ce manque d’information résulte de la volonté de  « protéger » les jeunes filles, faisant des règles un phénomène mystérieux, à la limite du mysticisme, alors qu’il s’agit d’un phénomène naturel. Nous estimons qu’il est nécessaire que les femmes comprennent ce qui se passe en elles, afin de se sentir bien dans leurs corps, mais aussi qu’elles soient en mesure de prendre soin de leur santé. Nous avons pensé qu’un chatbot pourrait aider à cela.

Lors du design du chatbot Weerwi, notre but était de communiquer des informations impartiales, scientifiques, mais aussi des messages de soutien aux jeunes filles et aux femmes pour qu’elles puissent vivre pleinement leurs menstruations.

Comment le chatbot de Weerwi a t’il été réalisé ?

Le chatbot de Weerwi a été pensé pour répondre aux questions des utilisatrices sur la santé menstruelle. Sa conception s’est déroulée en plusieurs phases :

Pour commencer, avec les acteurs du projet que sont ApiAfrique, et IT4Life notamment, nous avons répertorié les thèmes qui pourraient intéresser les utilisateurs (règles, cycle menstruel, gestion des règles, conseils, sujets tabous, etc.) et identifié leurs sous-thématiques. Nous avons ensuite constitué une liste de questions et réponses pour chaque sous-thème et défini le flux des conversations entre le chatbot Weerwi et une potentielle utilisatrice. Le but est de répondre à ses questions tout en proposant d’autres thèmes qui pourraient l’intéresser. C’est une phase critique qui nécessite non seulement d’anticiper sur l’expérience utilisatrice mais aussi de définir les passerelles éventuelles entre différents thèmes. Cette étape s’est terminée par une relecture des contenus par un gynécologue qualifié au sujet de la fiabilité des informations fournies.

Ensuite, nous avons lancé le développement de l’outil sous la forme d’une application sur DialogFlow CX qui est un outil de Google. Le développement s’est fait en procédant à des améliorations par itérations, et ce n’est qu’après avoir procédé à des tests avec des utilisatrices cibles, pour avoir des retours d’expérience et intégrer leurs recommandations, que la version finale du chatbot de Weerwi a vu le jour.

Aujourd’hui le chatbot est accessible de plusieurs manières: sur le site weerwi.com, sur Facebook messenger via la page Weerwi et directement dans l’application Weerwi.

Comment marche le chatbot de Weerwi ?

Quand une utilisatrice interagit avec le chatbot depuis une des plateformes mentionnées (l’appli Weerwi, Facebook messenger ou le site web)s, son message est envoyé à l’application de chatbot qui est intégré sur DialogFlow CX en utilisant des appels d’API. Les APIs servent d’intermédiaire entre la plateforme d’où provient le message et le chatbot de Weerwi. Ce dernier, grâce aux paramétrages déjà réalisés, va, à chaque tour de conversation, « traduire » le message de l’utilisatrice pour ensuite donner la réponse correspondante. Cette réponse est renvoyée à la plateforme où l’utilisatrice pourra la visualiser sur son écran.

A quels défis avez-vous été confrontés lors de la réalisation du chatbot ? Quels retours avez-vous sur l’utilisation du chatbot ?

Un premier défi a été de trouver les mots adéquats et des explications qui respectent la sensibilité et la culture des utilisatrices. Notre but est d’informer et non de faire peur aux femmes. Nous voulions également que ce chatbot soit un outil rassurant qui prodigue des conseils fiables sans pour autant donner l’idée qu’il se substitue au corps médical.. C’est pour cela que vous verrez souvent dans le chatbot une invitation à discuter avec une sage-femme (lien vers le centre d’appel Lydia Conseil chez le partenaire DKT)  ou une recommandation d’aller voir un médecin.

Un autre défi a été de se mettre à la place d’une utilisatrice du chatbot Weerwi en imaginant ses interrogations et son comportement- car l’utilisation de chatbot n’est pas encore très répandue au Sénégal. Une fois le chatbot réalisé, il a fallu s’assurer qu’il répondait réellement aux besoins de notre cible. Pour ce faire, nous avons recruté des jeunes filles âgées entre 14 et 19 ans, qui l’ont testé. Elles nous ont fait des retours sur leur expérience et nous ont donné leur avis quant aux changements ou améliorations requis. 

Les retours du chat bot Weerwi sont jusqu’à présent positifs. Le besoin semble réel puisqu’il a été contactée plus de 35 000 fois en l’espace d’un mois à la fin de l’année 2022. Pour la suite, à la demande de nombreux utilisateurs, nous envisageons de proposer une version du chatbot Weerwi écrite en wolof. À plus long terme, nous souhaitons pouvoir développer la version audio.

Qu’avez-vous personnellement appris, lors de la réalisation de ce chatbot ?

En tant que femme j’ai énormément appris sur le cycle menstruel durant ce projet. D’un point de vue technique, j’ai développé un chatbot en dehors d’un environnement de test, ce qui était une première pour moi. Durant le bootcamp de DIT, j’ai appris les notions de bases du développement d’un chatbot, et ce projet m’a permis de les appliquer en me surpassant. De plus, ce projet m’a confirmé mon fort intérêt pour le travail collectif. Les équipes d’ApiAfrique et d’IT4Life, notamment Marina Gning, Soukeyna Ouedraogo et Kathleen Chau ont été essentielles et ont fait preuve de forte réactivité lors de la construction du workflow du chatbot Weerwi.

Interview réalisé avec : Zaynab DIALLO, ancienne étudiante du Dakar Institute of Technology, et doctorante en statistiques à Ohio State University a été chargée de réaliser le chatbot « Weerwi-bot »dans le cadre de Changeons Les Règles.